Les femmes au fourneau
Quand je disais hier qu'on a fait largement pire que La Plus Mignonne des Petites Souris dans l'ambiance stéréotypes de genre de ces chères années 50, voici un petit aperçu :
Dans Mon Petit Monde, de Margaret Wise Brown illustré par Clement Hurd, Papa lapin et petit lapin sont à table pendant que maman lapin est debout dans la cuisine. (1949 pour la toute première parution en anglais My World).
Même principe dans Roule-Galette, où la bonne vieille s'empresse de s'atteler aux tâches que nécessitent les envies du bon vieux, qui fume sa pipe dans son fauteuil. 1950.
L'amie Martine, évidemment. Arme de destruction psychologique massive, le modèle pour des générations de petites filles passe sa journée à s'entrainer à être une parfaite ménagère. 1963. (début de la série des Martine : 1954)
Pour répondre à la question du dernier billet, à savoir "faut-il boycotter/brûler les livres qui véhiculent des idées sexistes", proposent aux filles des modèles rétrogrades et aliénants, pour moi la réponse est NON, pour plusieurs raisons :
1. D'abord la littérature est souvent le reflet de la société. Reprocher donc aux livres ci-dessus de représenter une société patriarcale alors qu'ils ont été écrits, dessinés et édités dans le monde d'avant le MLF et mai 68, ce serait leur faire un faux procès.
2. Parce que les livres font partie de notre patrimoine culturel et artistique. Bouder les albums des décennies passées parce que les modèles et idées qu'ils véhiculent sont rétrogrades, c'est nier une partie de ce patrimoine, et se priver d'oeuvres qui peuvent avoir par ailleurs des qualités graphiques, narratives, ou simplement raconter une belle histoire.
J'ai du mal à boycotter les livres (la preuve: j'ai même quelques Petit ours brun !), je crois plutôt en la richesse de la bibliodiversité et je pense qu'il faut juste rester curieux, goûter à tout, et veiller à proposer aux enfants des histoires intelligentes et aussi des modèles qui les rendent autonomes, curieux, justes. Et évidemment des albums aux idées plus progressistes pour contrebalancer ceux qui sont un peu désuets. Car malheureusement, si on peut pardonner aux albums des années 50-60 leur vision rétrograde, je suis un peu plus exaspérée par les albums plus modernes qui continuent de véhiculer des stéréotypes de genre, avec des héros masculins courageux, des mamans à la maison, etc. Heureusement donc qu'il existe des maisons d'éditions exigeantes, des libraires intelligent(e)s, des initiatives comme lab'elles par exemple pour proposer une offre éclairée.
Benny, ça suffit !, Olof Landström, Barbro Lindgren. 1999. (si on ne peut même plus compter sur les suédois franchement...)
Pig-Pig meets a lion, David McPhail. 2012
Les mamans en tablier, de dos et au fourneau (ou au ménage), c'est pas que ça nous choque, c'est juste qu'on aimerait voir plus souvent les papas s'y coller :)
Sinon, je repense au billet publié sur Cultures G de Mariotte Pullman, libraire jeunesse, et je me dis que finalement, il y a quand même des trucs qui se boycottent. Au secours !