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Le tiroir à histoires
30 juin 2013

Don't judge a book by its cover... (car sa couleur ne dit rien de sa saveur...)

the-help

Il trainait dans ma PAL depuis un moment, j'en avais entendu de loin un peu trop de bien pour vraiment avoir la curiosité de me plonger dedans tout de suite. Je crois que la traduction française « La Couleur des Sentiments » me laissait présager une fable un peu larmoyante sur un sujet déjà vu, je ne me sentais pas de me relire une énième version de La Couleur Pourpre. Ce qui prouve encore une fois que les choix de traduction des titres laissent souvent à désirer.

C'est mon ami B, qui, le coeur encore brûlant de sa lecture et les yeux cernés d'en avoir écourté sa nuit me l'a conseillé vivement. Une fois commencé, je n'ai plus pu le lâcher.

Jackson, Mississipi, 1962. Les « desperate housewives » de la haute-société jouent au bridge en serinant les même maigres sujets de conversations pendant que leurs bonnes noires s'affairent dans leurs maisons, frottent l'argenterie et élèvent leurs enfants. Un siècle est passé depuis la guerre de sécession, l'esclavage est aboli depuis longtemps et Scarlet O'Hara est ruinée, morte et enterrée, mais quatre générations plus tard, les choses ont peu changé dans le sud des Etats-Unis. Les noirs continuent de travailler dans les champs de coton appartenant aux riches familles, ou, plus couramment encore dans les maisons de ces dernières.

The Help se passe dans le microcosme très féminin des bourgeoises blanches et de leurs employées noires. Il y a Aibileen, quarante sept ans de service et toute la sagesse de son expérience, Minny l'excellente cuisinière à la langue (trop) bien pendue, Miss Hilly la présidente du gala de charité, peste capricieuse et manipulatrice (réincarnation de Scarlet O'Hara), Miss Skeeter la blanche de bonne famille pas à sa place, qui rêve de devenir écrivain. Elle décide un jour d'écrire sur le quotidien de ces domestiques noires, initiative assez douteuse dans le Jackson des 60s pour risquer de s'attirer les foudres de la communauté...

Racontée à plusieurs voix (une des grandes habiletés de ce livre), les histoires (plurielles) de ces domestiques et de leurs employeuses se croisent, se complètent et se répondent, avec humour, colère, cruauté, tendresse, alors qu'en toile de fond dans le reste du pays, la lutte pour les droits civiques prend de l'ampleur. Mais dans l'atmosphère étouffante du Mississippi (tant par la chaleur torride qu'affiche le thermomètre que par la rigidité des lois ségrégationnistes), l'Histoire semble ne pas suivre son cours à la même allure qu'ailleurs. Ainsi, alors que se prépare la grande marche de Martin Luther King vers Washington DC, bientôt couronnée de l'historique discours « I have a Dream », à Jackson, Mississippi, le jeune jardinier qui a eu l'outrecuidance d'utiliser des toilettes qui n'étaient pas destinées aux noirs est battu presque à mort et en perd la vue.

Si l'histoire est un admirable roman qui absorbe le lecteur, le fait tantôt rentrer dans la peau, tantôt aimer, tantôt haïr les personnages fictifs, elle reste ancrée profondément dans un contexte social et politique, et fourmille d'anecdotes authentiques ou fictives qui la rend incroyablement vivante et vraisemblable.

Le roman est si dense qu'il est à la fois difficile et injuste de le résumer, les petites histoires rejoignent le cours de l'Histoire, les personnages sont hauts en couleurs et il se dégage de cette histoire une profonde humanité. Le récit procure au lecteur un plaisir presque puéril en récompensant certains personnages les plus aimables et en humiliant la plus haïssable (j'en jubile encore). D'aucuns pourront peut être lui reprocher une certaine complaisance, une tendance peut être trop facile au « happy end ».

Le roman a été adapté à l'écran, et ce n'est pas un hasard, car le récit s'y prête tout à fait, construit sur une succession de scènes, dramatiques ou drôles, très bien écrites, avec des personnages évidemment très ciné-géniques.En refermant la dernière page, j'ai éprouvé le même regret qu'on a de quitter de vieux amis qui vont nous manquer en attendant la prochaine fois. C'est un excellent premier roman, et j'attends avec impatience les prochains de Kathryn Stockett.

 

The Help / La Couleur des Sentiments, Katryn Stockett

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