Rentrée sous haute tension : Sweet Sixteen
Little Rock, Arkansas, 1957. L'été touche à sa fin, les jeunes filles se pâment avec une excitation coupable devant Elvis qui chante « Let me be your Teddy Bear ». Un an plus tôt Rosa Parks a refusé de se lever dans un bus à Montgomerry, et la déségrégation est en marche.
Suite à la décision de la Cour Suprême des Etats-Unis, des étudiants noirs fréquenteront les mêmes lycées que les blancs. Ainsi, le prestigieux lycée Central de Little Rock accueillera 9 élèves noirs. Une violente vague de protestation se soulève à Little Rock, les blancs sont prêts à faire couler du sang plutôt que d'ouvrir la porte au métissage.
C'est dans ce contexte brûlant que Grace et Molly vont faire leur rentrée, et vivre une année scolaire dont elles se souviendront toute leur vie. L'une blanche, l'autre noire, leurs points de vue s'alternant un chapitre après l'autre, les deux adolescentes fréquenteront la même classe sans vraiment se parler, où à peine...
C'est l'histoire d'une détermination : celle de Molly, qui malgré ses doutes, malgré les embûches quotidiennes, sait qu'elle commence un combat qui ouvrira la voie à plus d'égalité, un jour.
C'est l'histoire d'une prise de conscience : celle de Grace, adolescente plus coquette qu'engagée, qui ouvre les yeux presque malgré elle sur l'injustice du système ségrégationniste et l'absurdité du racisme ambiant.
C'est un roman fort, qui ne laisse pas de répit. D'un côté j'avais hâte de le finir, et en même temps, il s'est terminé un peu trop tôt, la fin me laissant, pour ainsi dire, sur ma faim. Hâte d'en finir car les brimades continuelles et le harcèlement dont les élèves noirs font l'objet au lycée rendent l'atmosphère suffocante, insupportable. Comme les arènes de Rome, la highschool américaine est le théâtre de jeux de massacres qu'on voudrait abréger. Trop court, car il m'a semblé se terminer avant que toute l'histoire n'ait pu être déployée. J'aurais voulu m'attacher aux personnages, les connaitre mieux, mais on n'en a pas vraiment le temps. De même, les personnages secondaires n'apparaissent que furtivement, alors qu'on aimerait en savoir plus. Mais Annelise Heurtier, de sa plume leste, a préféré recréer une ambiance, un contexte historique, et elle y parvient parfaitement.
Sweet Sixteen met en lumière la haine raciale, quotidienne, acceptée, inculquée, même si les relations entre les noirs et blancs qui se cotoient sont plus riches et plus complexes, comme en témoigne en filigrane le lien entre Grace et sa bonne Minnie (un clin d'oeil à la Minnie de La Couleur des Sentiments, qui se passe non loin de là à Jackson, un an plus tôt ? J'ai cru entendre ici et là quelques échos au roman de Katherine Stockett).
Cinquante ans après le discours « I have a dream » de Martin Luther King à Washington, et 46 ans après la fin officielle de la ségrégation, Sweet Sixteen est un roman percutant et essentiel.
Sweet Sixteen, Annelise Heurtier.
Casterman, 2013.
Le roman a tourné à l'ombre du grand arbre... Retrouvez les billets de Pépita, Maman Baobab, Kik, Alice et Carole