Le coeur des louves
Du village perché haut où se déroule l'histoire, on entend le hurlement des loups. Le cœur de la montagne bat sous la roche, la forêt dense s'ouvre sur les eaux noires d'un lac.
La nature dans toute sa force primitive semble prendre le dessus sur les hommes, des êtres abîmés, écrasés par les fantômes de leurs ancêtres. A moins que ce qu'on raconte ne soit que les légendes de ce coin désolé où on ressasse le passé à défaut d'entrevoir un avenir.
Quand Célia et sa mère reviennent au village, dans la maison maternelle, la méfiance et l'hostilité grondent autour d'elles. Vieilles rancœurs, mensonges, secrets, superstitions... Célia va essayer de déchiffrer la vérité, tout en s'abandonnant aussi à l'attraction de la montagne. Le lecteur retient son souffle, et vibre au rythme haletant des chapitres, qui les uns après les autres nous précipitent dans une course sombre à travers les souvenirs qu'on voulait oublier et les plaies mal refermées. Pourquoi la grand mère de Célia était-elle appelée sorcière ? Qu'en est-il de ce grand père qu'elle n'a jamais connu, mystérieusement disparu dans les bois ? Quels secrets cache Armand, le redoutable patriarche ?
Dés le premier chapitre, j'ai été happée dans cet univers sombre, aux confins du merveilleux. Stéphane Servant nourrit son récit de contes et légendes d'antan, tout en ancrant son histoire dans le réel âpre des gens de la montagne, la dureté des hommes et de cette micro-société dont ils font les lois.
Ce sont des femmes, chacune à leur manière en marge d'une société régie par les hommes, qui, sur trois générations, démêlent le fil des souvenirs, jusqu'à découvrir l'impensable. C'est bien sûr une histoire de la transmission, le récit poignant d'une vie de femme(s), et un hurlement d'amour, déchirant.
Le coeur des louves est un roman dont on ne sort pas indemne. Puissant, poignant jusqu'aux tripes, et remarquablement bien écrit.
Lire aussi l'excellent billet de Carole, celui de Pépita et celui de Kik.
Le Coeur des louves, Stéphane Servant
Editions du Rouergue, 2013.