On est tous faits de molécules
Pas toujours facile, les familles recomposées !
Si Stewart, qui a perdu sa mère d'un cancer, est ravi de se reconstruire une famille et d'y gagner au passage une soeur ; Ashley, la jolie peste, est dé-goû-tée de voir débarquer chez elle un beau père et surtout ce monstroïde de quasi-frère un peu spécial et surtout franchement ringard. Avec en prime un chat aux oreilles déchirées et au nom pas possible.
Susin Nielsen a un faible pour les héros un peu décalés, un peu différents, un peu vulnérables aussi. Stewart est un enfant précoce, ce qui signifie, comme il l'explique lui même « qu'on excelle dans certains domaines et qu'on est nul dans d'autres. Par exemple largement au dessus de la moyenne pour les compétences intellectuelles, mais bien en dessous quand il s'agit de la vie sociale ».
La narration alterne les points de vues de Stewart et d'Ashley, et joue sur ce décalage.
Un côté "nerd" tout à fait assumé pour Stewart, une forme de candeur, d'intelligence et de spontanéité dans sa façon de raconter les choses, d'autant plus drôle en contrepoint de la vision d'Ashley, égocentrique, superficielle et plus sarcastique.
Stewart et Ashley se cognent à la vie et aux autres, pas tout à fait de la même façon. Harcèlement scolaire toujours, rivalités, familles décomposées et recomposées, premières expériences sentimentales et premières blessures, homophobie... nombreux sujets de société qui font la complexité des vies des adolescents d'aujourd'hui sont traités. Subtilement, le récit oscille entre le tendre et le grave, le comique et le tragique. Un peu comme la vie. Les liens se tissent ou se distendent entre les personnages, multiples, dont certains seront déjà familiers aux lecteurs de Susin Nielsen.
Comme les liaisons entre les molécules, des connexions se dessinent au fil des pages avec d'autres personnages de ses autres romans. Ainsi on retrouve avec joie Violet de Dear George Clooney, on recroise Cosmo et Amanda de Moi, Ambrose, roi du Scrabble, on aperçoit même Farley du Journal malgré lui de loin, et Dudley Wiener en cerise sur le gâteau ! et les lecteurs se réjouiront de voir se dessiner le microcosme canadien Nielsenien comme se tisse une toile.
C'est drôle, grave et intelligent, s'il y a des clichés, ils volent vite en éclats, pour aller au plus près des forces et des fragilités des personnages. De leur humanité. On rit beaucoup, même si parfois on tremble on qu'on a envie de pleurer. On vibre et on vit.
Lire l'avis de Pépita.
On est tous faits de molécules, Susin Nielsen.
Hélium, 2015