Les Petites Reines
Mireille Laplanche, en 2nde au lycée Marie-Darrieussecq de Bourg-en Bresse, promène son regard acide sur l'existence. Entre son père illégitime, philosophe et « Premier Monsieur » de France, qui ne l'a jamais reconnue ni connue d'ailleurs, les difficiles tentatives de vraie communication avec sa philosophe de mère, et sa récente élection « Boudin de bronze » de son lycée sur facebook, elle commente avec un humour assez caustique les vicissitudes de l'adolescence.
Elle fait connaissance presque fortuitement avec ses challengers « boudins », Astrid et Hakima, respectivement Boudins d'or et d'argent, et elles se découvrent mues par d'autres aspirations qui convergent vers le Palais de l'Elysée le 14 juillet, à la rencontre de la Présidente de la République. Aussi décident-elles presque aussi fortuitement d'entreprendre le périple à vélo, en vendant – pied de nez à leur cyber-détracteur-- du boudin le long du chemin. Et cerise sur le gâteau, ou devrais-je dire lumière sur le vélo --tant il resplendit-- se joint à elles Kader, le lumineux grand frère d'Hakima, ancien soldat prématurément abimé qui a perdu ses deux jambes au combat. Drôle de convoi que ces 3 donzelles pleines de cellulite à bicyclette chaperonnées par un séduisant cul-de-jatte .
Les Petites Reines, c'est l'anti-Disney: Enfin des héroïnes qui ont de l'épaisseur (et pas qu'au niveau des cuisses), qui interagissent, se lancent dans un projet avec chacune un objectif, pensent, parlent, transpirent, dans une France gouvernée par une Présidente, et des villes administrées par des mairesses. Résolument féministe, le roman fustige cette société des apparences qui imposent aux femmes d'être belles pour exister, et ses relents qui infestent tous les médias et notamment les réseaux sociaux.
On ne fait pas croire au lecteur que la non-conformité aux normes de beauté physique n'est pas une souffrance parfois. Il y a des larmes, il y a sur internet des commentaires haineux, blessants qu'elles n'ont pas toujours la force d'ignorer, il y a des petites plaisanteries qui font rire jaune. Mais ce qui les porte, ce sont leurs aspirations, leur ressource, leur énergie, leur investissement dans leurs désirs. Imparfaites et pleines de substance, mieux que des héroïnes en sommes : de véritables personnages féminins. Et ça fait du bien.
Les Petites Reines, Clémentine Beauvais
Sarbacane, 2015