Sauveur & Fils
Dans le cabinet de Sauveur Saint-Yves (oui, il y a des gens prédestinés...), on se presse pour venir se faire soigner. Psychologue clinicien de son métier, Sauveur Saint Yves a une stature qui en impose, et une douceur qui rassure. Il y a parmi ses patients des familles atomisées, des enfants perturbés, des ados désorientés, d'autres torturés, et des parents paumés. Il y en a qui nous ressemblent (peut être), d'autres qu'on croit connaitre, tant ils sont proches de nos collègues, de nos amis, de nos élèves, de nos jeunes. Et chaque jour, Sauveur le bien nommé écoute, accompagne, questionne, rassure tous ces gens abimés. Et chaque soir, Sauveur retrouve Lazare, son fiston, un garçon espiègle, vif et sensible qui adore son papa et ne s'est pas tout à fait remis de la disparition de sa maman dans un accident. Et chaque jour à nouveau, Sauveur Saint-Yves fait se délier les langues et essaie de dénouer les nœuds. Parfois il suffit de mettre le doigt au bon endroit, et parfois le nœud en cache un autre, plus serré, plus tortueux.
Si les cordonniers sont les plus mal chaussés, Sauveur Saint-Yves aurait peut être besoin lui aussi d'être sauvé. De quels fantômes ? De quel passé, qu'il n'arrive pas à dévoiler à son fils plein de questions ? Et que signifient ces inquiétants sortilèges, semés sur son chemin par quelque quimboiseur tout droit ressurgi de son passé aux Antilles ?
Le récit s'installe doucement, mais sûrement, prend le temps de nous faire rencontrer les personnages et de tâtonner avec eux. Le temps de les comprendre et d'apprendre à les connaître. Facette après facette. De nous nourrir de leurs petits bouts de vie. Puis, tout s'emballe subitement, l'intrigue s'intensifie, des vérités cruelles, parfois douloureusement actuelles apparaissent soudain dans toute leur noirceur, quand on s'est déjà bien attachés aux personnages. Et trop vite, le livre touche à sa fin, au moment où on ne peut plus vraiment les laisser, pas comme ça, pas si tôt. Ainsi s'achève la saison 1 de Sauveur & Fils, en apportant la réponse à certaines questions, et en en laissant d'autres en suspens. Et on trépigne déjà de retrouver tous ces personnages, qui souffrent, qui doutent, qui aiment, qui cherchent : des personnages incroyablement vivants, si proches de nous.
PS: Quant au fameux hamster de la couverture, vous serez rassurés comme moi d'apprendre qu'il s'agit en réalité un cochon d'Inde. J'avoue que cette sournoise approximation m'a turlupinée tout au long de ma lecture...
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Sauveur & Fils, Marie-Aude Murail
L'école des loisirs. 2016