L'esprit de Lewis - Acte 1
Vous vous rappelez L'Etrange Réveillon ? On avait adoré son élégance macabre, sa poésie funèbre, très distinguée et un poil loufoque. Comment ne pas repenser à cet album épatant en plongeant dans L'Esprit de Lewis, dont il pourrait bien être la genèse. Bertrand Santini et Lionel Richerand déploient de nouveau leurs talents virtuoses, dans une BD grand format des plus somptueuses.
Angleterre, 19ème siècle : Lewis, qui ressemble à s'y méprendre à une version adulte du jeune Arthur de L'Etrange Réveillon, se retrouve lui aussi orphelin, et accablé de chagrin. “On raconte que le chagrin, la solitude et le chien sont les meilleurs compagnons de l'écrivain”, et cela semble opportun pour Lewis, qui renonce à la plus grande partie de son héritage pour se retirer au manoir de Childwickbury, ancienne propriété de sa défunte mère, pour écrire. Dans ce manoir isolé et un peu hanté, ayant pour seule compagnie sa petite chienne (c'est marrant, on est sûr de l'avoir déjà vue quelque part...1 ) et les visites d'une vieille domestique fidèle experte en tarte aux pommes, Lewis s'enivre de sa peine tout en cherchant l'inspiration. De son âme endeuillée et tourmentée il ne pourra émerger qu'une histoire de fantôme, il le sait.
Inévitablement, à force de ressasser la mort et les fantômes, ce sont eux qui finissent par venir à lui... (parfois à leur grand dam, d'ailleurs)
Si vous aimez les fantômes, les manoirs anglais, Mary Shelley et Edgar Poe, vous allez adorer l'ambiance funèbre et distinguée de L'esprit de Lewis. Lionel Richerand excelle dans ce registre, le trait est élégant, détaillé et bien fini, nourri de roman gothique à l'anglaise et de peinture romantique, dans une palette de couleur sombre et chaude, explosant à l'occasion et donnant vie à de folles chimères tourbillonant dans l'obscurité du manoir (oooOh les deux planches centrales en double-page sont démentes !)
Quant à l'esprit de Lewis, ce n'est pas que le fantôme qui le hante. Car le jeune homme obsédé par les revenants, les hectoplasmes et autres spectres est lui-même plein d'esprit : une bonne dose de dérision et des dialogues truculents dans la plus pure veine santiniesque.
Tout ça pour dire que vous pouvez y aller les yeux fermés : c'est la fine fleur de la littérature jeunesse qui signe le texte et les dessins, cette BD est un régal, et la fin laisse présager un acte 2 ébouriffant !
L'Esprit de Lewis, Acte 1, Bertand Santini et Lionel Richerand
Editions Soleil. Collection Métamorphose.
1. Peut être écrivaine elle aussi à ses heures, qui sait ...?