La Grande Forêt
D'abord une de ces forêts, atemporelle et mystérieuse comme dans les contes, des bouleaux et des pins qui s'avancent sur la lisière d'un lac. Un décor « Brouillardien » et déjà enchanteur sur la couverture. Ensuite, il y a les cartes et la topographie d'un univers merveilleux. Et puis une histoire qui se déroule entre récit illustré et bande dessinée, une histoire riche et conséquente, en huit chapitres richement illustrés .
N'imaginez pas grignoter ça à la va-vite, en histoire du soir improvisée entre le brossage des dents et l'extinction des feux alors que vous êtes déjà sur le point de dépasser les heures décentes. Non, non, La Grande Forêt est une histoire qui demande qu'on prenne le temps de s'installer. De préférence avec un thé fumant devant une cheminée. De chausser ses lunettes et d'envelopper ses pieds sous la couette. Bon, ne disposant présentement ni de cheminée, ni de lunettes, on optera pour une après-midi lecture bien emmitouflés sur le canapé, le thé et la couette fournissant un équipement convenable.
Le Chapitre 1 s'ouvre sur un été pluvieux au pays du lac tranquille. Killiok, bien au chaud chez lui, s'inquiète de ne pas voir son ami Vari Tchésou. Il se décide à rendre visite à son amie Véronica, dans l'espoir qu'elle en sache plus. Autour d'un gâteau chaud, ils discutent. Personne n'a vu Vari Tchésou, tout cela est inquiétant, d'autant que des inconnus rodent autour du lac. Les corbeaux ont entendu parler d'un drôle de laboratoire… Killiok et Véronika décident de se préparer pour partir à sa recherche, en compagnie des corbeaux. Les préparatifs sont sérieux : une carte, un sac à dos et une valise remplis de provisions et d'accessoires de survie.
C'est parti pour l'aventure, la quête de Vari Tchésou, à travers les paysages envoûtants du Pays du Lac Tranquille.
On pourrait être tenté de penser à Tolkien pour la puissance de son imaginaire, la beauté naturelle des paysages, la précision cartographique de ses pays et de ses lacs. Mais c'est un tout autre monde, si proche pourtant du notre. Le monde de l'enfance, peut être. Le monde ou les animaux parlent, où les personnages n'ont pas besoin d'être humains. Le monde où on peut s'appeler Vari Tchésou ou Pikkeli Mimou. La poésie des noms, la beauté des illustrations. La façon dont Anne Brouillard, comme souvent, nous fait ressentir toute la beauté du dehors et la chaleur du dedans, alterne l'inquiétant, le sauvage, et le chez-soi réconfortant. Tout parle à l'enfant qui est en nous.
On ne peut qu'être subjugué devant ce travail d'une rare beauté, cet univers si merveilleux et tout ce qu'il peut faire résonner en nous. Il y a tant d'autres choses à dire, tant de délicieux détails, car l'oeuvre est dense et incroyablement riche. Mais je vous inviterai, à votre tour, à vous plonger doucement dans cet album envoûtant, bien au chaud sur un fauteuil confortable, avec un thé fumant...
La Grande Forêt, Anne Brouillard.
Pastel. 2015